Quand on ouvre nos mains (Jean-Jacques Goldman)

PROPOSITION 49 : LES MAINS

Je suis fondue de musées et particulièrement de  peintures et j’ai une véritable obsession pour les mains dans un tableau ! Donner vie à un visage ou une attitude c’est ce qui dénote un grand artiste mais donner vie aux mains est un incroyable défi.

C’est comme si les mains avaient une vie propre, indépendamment du reste de notre corps… Cette partie de notre corps est  incroyablement riche de significations, de symboles.

Elle est l’instrument de la création directement reliée au cerveau, pour dessiner peindre, calligraphier, sculpter, écrire…

Dans nos vies de tous les jours elle est aussi riche de sens bien au-delà de l’aspect utilitaire, menaçant ou réconfortant…

LA PROPOSITION

Je vous propose de partager ma fascination et de nous raconter une histoire, une étude, une biographie, une recette, un texte poétique enfin le genre que vous choisirez pour nous parler avec les mains, heu… je veux dire ; pour nous parler DE mains.

LES CONSIGNES

– Pensez à donner un titre à votre écrit

– Longueur recommandée : 1 page (grand maximum 2 pages).

– Quelques mots à intégrer : éventail, entrechat, aluminium.

– Pourquoi pas une expression sur les mains

Mon texte : Quand on ouvre nos mains (Jean-Jacques Goldman)

Il faut bien dire que ce thème ne m’inspirait pas trop. Moi, ce que je préfère, ce sont les yeux. Alors, les mains. Qu’est-ce que je pouvais bien raconter là-dessus?

Je revenais du boulot. J’aurais préféré être en vacances, comme cette amie qui venait de poster une photo d’elle sur la plage, les doigts de pied en éventail, sur les réseaux sociaux. Mais ce n’était pas le moment alors… Je m’assis finalement et commençai à regarder autour de moi. Le train était bondé, c’était la fin de la journée. Les étudiants rentraient chez eux en se racontant leurs journées. Mais pas que… Des rires fusaient de droite et de gauche. C’était bruyant. Je décidai d’observer ce que faisaient les mains de tous ces gens.

Elles pianotaient sur des écrans, se cachaient sous les manteaux, parlaient…  Elles étaient lisses, soignées, les ongles aux mille couleurs… Elles étaient belles, elles étaient laides. Elles étaient grandes, elles étaient petites. Elles étaient toutes différentes, il n’y en avait pas deux paires identiques. Mais quoi dire d’autre ?

L’ouvrier dont les mains défaisaient délicatement le papier aluminium enrobant son sandwich attira d’abord mon attention. De grosses mains toutes velues, dont la peau était sèche et râpeuse, usée par le travail. Peut-être n’avait-il pas eu le temps de le manger ce midi. En tout cas, il mordait à pleines dents dans son casse-croûte.

Peu après, je les aperçus, quelques sièges plus loin. Les amoureux, ils se tenaient par la main. Leurs doigts s’entrelaçaient tendrement. La tête sur son épaule, elle regardait le paysage défiler devant ses yeux mi-clos. À son annulaire gauche, une alliance brillait de mille feux. Il se redressa et passa la main dans ses cheveux bruns pour les remettre en place. Il s’attarda sur sa joue, et son pouce lui chatouilla le bas de l’oreille. Elle, regardait son beau ténébreux la dévorer des yeux. D’où venaient-ils, ou allaient-ils ? Cette question me tiraillait. Ils avaient l’air si heureux. Mais je me concentrai à nouveau sur leurs mains. Ces mains qui s’unissent pour ne faire plus qu’une.

Puis, le premier arrêt. Une fillette se leva brusquement, accompagnée de sa mère. Elle se mit à faire des entrechats dans le couloir en se dirigeant vers la sortie. Je regardais ses mains virevolter au dessus de sa tête tandis qu’elle riait aux éclats.Ses mains de petite fille innocente, mais avec cet air espiègle. Elle faisait tourner sa jupe à volants dans une ronde solitaire et incessante. Elle me rappelait l’insouciance que j’avais à son âge. Sa maman lui agrippa finalement la main gauche et l’aida à descendre. Je l’imaginais chez elle passer des heures à essayer de dompter les longs cheveux blonds de son enfant, armée d’une main de sa brosse et de l’autre de barrettes multicolores. Et elle, qui aurait trouvé le temps long. J’imaginais ensuite leurs mains qui confectionnaient de bons gâteaux, pour en faire profiter toute la famille. La gentille maman qui vous tend une main et vous redonne confiance, et de l’autre sèche les larmes de votre premier chagrin d’amour.

Une mamie monta à peu près en même temps et vînt se mettre face à moi. Ses mains étaient belles. Tachetées, les veines bleutées et à fleur de peau. Les rides marquaient ses longs doigts tordus, abîmés par le temps qui passe. En voilà des mains qui avaient vécu, vécu tellement de choses. L’amour, la guerre, la peur…  Que sais-je ? Qu’auraient pu nous dire les lignes de sa main ? Ligne de vie, ligne de cœur, ligne de chance… Elle tremblait. Elle tentait de contrôler ces petits mouvements mais elle ne pouvait pas. Elle tremblait. Le train a repris sa course.

Et à l’approche de l’arrêt suivant, je me levai car il était déjà temps pour moi. Je passai près du jeune couple.  Et c’est là que je la vis. Une petite main dépassait du couffin qui était face à eux, et qui m’était caché jusque là. Une petite main potelée, ses doigts repliés et ses ongles minuscules. Cette main essayant d’attraper peut-être un bisou imaginaire envoyé par sa maman. Il riait de ses propres bêtises, il riait de voir ses parents lui sourire de la plus belle des façons. Car s’il était bien une chose que l’on aurait pu ôter à cet enfant, c’était son innocence. Ce bébé respirait la douceur, et le monde en avait bien besoin. La nature peut faire des merveilles parfois.

Et c’est ainsi qu’en vingt minutes, j’avais vu se succéder plusieurs générations de mains, des mains qui en disaient long, qui racontaient des histoires, des mains qui ne demandaient qu’à exister.

Proposition par Nicole Loynet et mise en ligne sur le blog d’écriture créative Tisser les mots : http://tisserlesmots.blogspot.fr


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