Catégorie : Romance, instants de vie / Temps de lecture : 3min
Christophe Colomb, Vasco de Gamma, James Cook, Alexandra David-Néel… et j’en passe, m’ont toujours fait rêvé. Vous vous imaginez, vous, plutôt que de rester chez vous en proie avec votre quotidien, vos tracas, vous partez. Pouf, comme ça, sans même savoir si vous allez revenir, sans même savoir si cela sera en un seul morceau, sans même savoir si vous en garderez des séquelles. Ce que vous savez par contre, c’est que vous en allez en avoir plein la vue et que pour votre époque, vous serez peut-être un des seuls à voir cela de vos propres yeux.
Alors, je l’ai décidé, moi aussi, je ferai ce métier. Et ce soir, je suis déjà parti à l’aventure. Oh, je n’ai pas commencé par un truc aussi exceptionnel que mes idoles mais il faut un début à tout. Alors, ce 17 novembre, à 20h20, j’avais rendez-vous avec elle. Ariane, 16 ans et demie. Mes parents la connaissent depuis un certain temps maintenant, l’apprécient particulièrement mais je n’ai tout de même pas eu le courage de leur avouer notre programme. J’ai donc profité de leur absence. Ce soir, eux, ont rendez-vous avec Carmen. L’amour est un oiseau rebelle… A qui le dites-vous ! J’imagine que s’ils avaient été au courant, nous aurions eu droit au sempiternel refrain : « mais vous êtes beaucoup trop jeunes, vous avez toute la vie… et puis, vous êtes sûr de ce que vous faîtes ? » Et oui, ils sont de la vieille école…
J’aurais eu envie de leur répondre que non, bien sûr que non, nous n’étions pas sûrs. Nous étions maladroits, c’est de notre âge. Parfois, on fait les choses sur un coup de tête sans réfléchir aux conséquences, caressant pourtant le vague espoir que cela nous emplisse de satisfaction à un moment ou à un autre, que nous pourrons aller encore plus loin que ce que nous l’avions imaginé au départ.
J’aime bien Ariane, je ne sais pas si je l’aime tout court mais j’aime bien Ariane. Pour la première fois, je voulais faire ça avec elle et pas avec une autre, je trouvais ça beau de la choisir, elle. J’ai été le plus délicat possible. J’avais préparé cette soirée comme si tout le reste de ma vie en dépendait. Comme si un mauvais souvenir pouvait tout gâcher, pour elle et pour moi. Ainsi, j’ai longtemps hésité et j’ai finalement opté pour un banal tee-shirt noir et un jean bleu usé. Car je me suis dit pourquoi changer justement aujourd’hui ? pourquoi essayer de ne pas être moi ? J’aurais été ridicule. Alors, je me suis rasé, j’ai mis le parfum que mamie m’a offert à mon dernier anniversaire, je me suis brossé les dents et je l’ai attendu en faisant les cent pas dans la cuisine.
Quand elle est arrivée, je lui ai proposé de boire quelque chose mais elle a refusé alors nous sommes montés dans ma chambre et nous nous sommes allongés sur mon lit. J’avais essayé de dompter mes cheveux avec un peu de gel mais elle a eu vite fait d’y passer la main pour tout défaire. Elle me préférait comme ça. Elle était belle. Ses longs cheveux blonds couraient le long de son visage et à elle seule, elle illuminait bien plus la pièce que la pauvre lampe de chevet que j’avais pris soin d’allumer. Mes yeux bleus essayaient timidement de croiser les siens mais souvent mon regard s’échappait vers le ciel par le vélux dont j’avais laissé le store ouvert en grand. Voyager dans le cosmos, entre la Grande Ourse et la constellation du Capricorne, voilà un projet d’avenir ambitieux.
Au cours de notre discussion, son attention se fixait sur ce qui l’entourait presque comme si découvrir cet endroit lui permettait de me cerner un peu plus également. Le bureau aux étagères remplis de livres de géographie, de sciences, les posters au mur représentant une mappemonde ou le commandant Cousteau. Tout m’intéressait.
Mais pour ce soir, c’était elle le centre du monde et nous avons continué à parler de tout, de rien, comme nous le faisions d’habitude. J’étais tellement stressé tandis que j’avais l’impression qu’elle, était à l’aise, presque impatiente. Dans un moment de silence, je lui ai pris la main et elle a souri. Elle était douce, j’ai souri aussi. Nos têtes tournées l’une vers l’autre, nos bouches si proches l’une de l’autre, je lui ai dit :
– On pourrait observer les étoiles avec mon télescope si tu veux.
Son sourire s’est élargi encore et elle m’a répondu.
– Plus tard, Thomas, plus tard.
Elle a serré plus fort ma main et a posé ses lèvres sur les miennes. Un baiser assez doux qui s’est progressivement intensifié au rythme de nos corps frissonnant de désirs. Je ne pensais plus à rien, le temps semblait s’être arrêté. Mais quand elle a entendu la voiture de mes parents arriver, ça s’est conclu un peu à la va-vite. Nous avons pris nos précautions et elle est descendue comme elle a pu par la fenêtre qui se trouve à l’arrière de la maison. Une vraie cascadeuse. J’ai tellement hâte de la revoir à présent. Je ne suis pas déçu.
Moi, Thomas P. 17 ans, futur explorateur, je suis parti aujourd’hui à la conquête de son cœur. Et pour le reste de l’univers, on verra plus tard.
PS : Texte écrit en un temps imparti dans le cadre du concours « Matinée en cavale, 4è édition » de Short Edition.